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 La république du mépris de Pierre Tévanian

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Al Chakiri




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MessageSujet: La république du mépris de Pierre Tévanian   La république du mépris de Pierre Tévanian Icon_minitimeDim 11 Nov - 14:18

salamw

Titre en français: La république du mépris
Auteur: Pierre Tévanian
Maison d'éditions: La Découverte
Nombre de page: 118
Prix: 10€

lien commercial: http://www.amazon.fr/dp/2707152811?tag=oummacom-21&camp=1414&creative=6410&linkCode=as1&creativeASIN=2707152811&adid=1FN63T5HPZ1J2V557SQ0&

Commentaire:

Il est bon de se tenir au courant du monde qui nous entoure, surtout que nous faisons aussi parti de cet environnement proche. Cela devient même nécessaire lorsuqe d'autrs s'accaparent la parole et parle au nom de la majorité.

J'avais déjà présenté sur ce Forum le livre de Vincent Geisser la nouvelle islamophobie, ici je voudrais partager avec vous un livre court dont l'objectif est de décortiquer les années "sarkozy" en terme de racisme.

Le terme peut parraitre "fort" ou disproportionner, mais en réalité il est tout à fait adapter à la situation. Pierre Tévanian a une qualité celle de ne pas tomber dans l'émotivité, et d'offir à ses lecteurs un recul des évenement mais aussi une argumentation solide et un engament clair pour la dignité humaine de manière universel.

Je vous donne le ien du site web du collectif les mots sont important dont Pierre Tévanian fait parti: www.lmsi.net

Je reproduit ici une interview de l'auteur avec le site oumma.com , ainsi vous pourrez vous faire une idée de l'ouvrage et des différents thèmes qu'il aborde:
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Al Chakiri




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MessageSujet: Re: La république du mépris de Pierre Tévanian   La république du mépris de Pierre Tévanian Icon_minitimeDim 11 Nov - 14:33

« Un racisme métaphorique »
vendredi 5 octobre 2007


Ghofrane, Sohane, Shéhérazade… pour la plupart d’entre nous ces prénoms évoquent tous de terribles faits-divers très largement médiatisés. Chacun de ces drames a pour victime une femme jeune d’origine maghrébine et de culture musulmane agressée ou assassinée par un homme. Est-ce à dire que cette « communauté » a le monopole des crimes sexistes ? A moins qu’il ne s’agisse d’une focalisation volontaire, d’un choix délibéré qui répondrait à des motifs inavouables ?

La laïcité a été le sujet du débat des sages réunis au sein de la Commission Stasi, du nom de son président. Pourtant, sur les 26 propositions émises par la commission, la seule proposition retenue concernait la prohibition des signes religieux ostensibles à l’école, socialement perçue comme la « loi sur le foulard ». Quelles leçons faut-il en tirer ?

L’un des derniers grands débats ayant saturé l’espace médiatique concerne la polémique sur la liberté d’expression à laquelle l’affaire Redeker a donné une résonance particulière. Que peut-on retenir de ce débat ? Tous ces sujets semblent fort éloignés l’un de l’autre…à moins que, dans la manière dont ils sont médiatisés, ils n’exhalent cet « arôme idéologique immédiat » (selon l’expression de Jocelyne Cesari) qui tendrait alors à occulter la complexité des réels.

Ce sont les questions que se pose Pierre Tévanian dans un ouvrage en forme de bilan intitulé « la République du mépris ».

Pourquoi ce livre ?

Je l’ai conçu un peu comme un bilan. Sur mon site (lmsi.net) on écrit de manière plutôt réactive, j’avais déjà écrit divers textes « à chaud » par rapport à l’actualité, mais j’ai voulu, au terme du quinquennat 2002-2007, dresser le bilan de ce que j’appelle « le racisme républicain », à travers les détours qu’il a pris, et déguisements dont il s’est paré : « la sécurité » et « le combat féministe » en 2002-2003 (notamment autour des « Ni putes ni soumises »), « la laïcité » en 2003-2004 (notamment autour de la loi sur le voile), « la mémoire » en 2005 (notamment autour des controverses sur le « rôle positif de la colonisation » et sur « les indigènes de la république », et enfin « la liberté d’expression » en 2006-2007 (avec notamment « l’Affaire des caricatures du Prophète » et « l’Affaire Redeker »). J’analyse ces thématiques, ou plutôt l’usage politique qui en a été fait, comme des métaphores du racisme.

Mais quel est le fil directeur de ces différents thèmes ? Ils sont à priori très différents, et ils n’ont à première vue aucun rapport l’un avec l’autre, et encore moins de lien avec le racisme !

Le fil directeur qui traverse mon livre, c’est justement la conviction qu’il existe en France un racisme « respectable » (pour reprendre l’expression de Rachad Antonius) ou « vertueux » (selon l’expression de Nacira Guénif), qui déborde largement l’extrême droite ou même la droite.

Et justement, ce racisme vertueux est le point de convergence des différents « débats » que vous évoquez. Tous sont construits sur le même mode, suivant la même logique du « deux poids deux mesures », et ils convergent vers un même bouc émissaire, rendu responsable de tous les maux : grosso modo, le « jeune », de sexe masculin le plus souvent, qui vit dans les quartiers populaires et qui est issu de l’immigration post-coloniale, à fortiori quand il est de confession musulmane.

C’est lui qui menace la liberté d’expression, les acquis du féminisme ou de la laïcité ; c’est lui qui « tyrannise » la France et lui impose la « repentance » ! Je parle dans le livre d’un racisme « métaphorique », parce que dans la littéralité du discours, on prétend toujours parler de choses beaucoup plus générales, et évidemment ne pas verser dans la stigmatisation. Dans chacun de ces discours que je déconstruis (le discours pseudo-sécuritaire, pseudo-féministe, pseudo-laïque, pseudo-libertaire…), on prétend toujours parler d’autre chose que de race ou de groupes racisés : on prétend parler de la condition des femmes, de la laïcité, de « la question de la mémoire », de la « liberté d’expression »...

Ces thématiques jouent donc le rôle de métaphores : un mot qu’on emploie à la place d’un autre, pour désigner quelque chose d’autre – en l’occurrence : pour parler d’une seule et même autre chose : « la menace arabo-musulmane » ! J’ai donc écrit ce livre en tant qu’anti-raciste, mais aussi en tant que féministe, en tant que laïc, en tant que démocrate attaché à la liberté d’expression, en tant que je suis sensible aux analyses nietzschéennes sur les « excès de la mémoire »… parce que je refuse que ces idées, ces principes, qui sont les miens, soient instrumentalisés de la sorte.

J’ai souvent eu envie de dire, comme les manifestants américains au moment de la guerre en Irak : « Pas en mon nom ! ». Sans être directement visé par ce racisme respectable, je me sens le devoir de dénoncer ce que je considère comme un dévoiement du féminisme, de la laïcité, ou de la liberté d’expression…

Prenons la loi sur le port portant sur l’interdiction des signes religieux ostensibles à l’école. Ses défenseurs se placent sur le terrain de la défense de la laïcité, de plus la loi s’applique à l’ensemble des usagers de l’école et ne s’adresse pas spécifiquement à un groupe. Qu’est-ce qui vous permet de dire que les filles musulmanes sont la cible prioritaire ?
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Al Chakiri




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MessageSujet: Re: La république du mépris de Pierre Tévanian   La république du mépris de Pierre Tévanian Icon_minitimeDim 11 Nov - 14:33

Je démontre dans mon livre qu’elle n’est pas du tout un prolongement ou un renforcement de la laïcité telle qu’elle fut fondée par Jules Ferry puis la loi de 1905 ; bien au contraire, cette loi opère une complète « révolution conservatrice ». Autrement dit, les discours dits laïques mobilisés contre le voile ne sont pas des discours laïques, pas plus que les discours dits féministes sur les filles soumises à « la loi de la cité » ne sont des discours féministes. Et de la même façon, les défenses pseudo-libertaires de Redeker ne sont pas des positions réellement libertaires.

Je suis personnellement un partisan farouche de la laïcité telle qu’elle a pu être conçue en France au début du siècle, car c’est un système qui permet à des groupes, des croyances religieuses ou politiques différentes, de cohabiter et s’épanouir de manière pacifique et égalitaire. Cette égalité suppose en effet que l’Etat et les institutions soient le plus possible neutres, c’est-à-dire qu’il n’y ait pas de parti-pris idéologique et/ou religieux officiel, qui instaurerait un privilège d’une « communauté » par rapport aux autres.

C’est l’Etat qui doit être séparé des Églises, de toutes les Églises. Les agents de l’Etat, les agents du service public, précisément pour être au service de l’ensemble du public, de tous les publics, sont tenus de manifester une certaine neutralité ; par exemple, ils ne doivent pas conditionner un service rendu à l’adhésion ou à la non-adhésion à une option religieuse.

Et cela vaut également au niveau du service public d’éducation : une école laïque doit permettre à tous les publics scolaires de bénéficier des mêmes chances et du même enseignement. Cette école a été conçue comme une école ouverte à tous les publics, et on a pour cette raison imposé une obligation de neutralité aux enseignants, aux contenus enseignés et aux locaux. Cette neutralité de l’institution et de ses serviteurs se justifie par le fait qu’on ne doit pas étouffer ou aliéner des enfants quand ils sont encore jeunes et influençables.

Mais ce que je rappelle aussi dans ce chapitre, c’est que cette obligation de neutralité a pour corollaire une liberté d’expression entière laissée à l’usager, c’est-à-dire l’élève, parce que en ce qui le concerne, il n’y a aucune nécessité de contenir son expression religieuse ou de contenir une quelconque expression. Les seules limites légitimes quant à l’expression des élèves sont celles qu’impose la relation pédagogique : on ne parle pas de tout et de n’importe quoi tout le temps, on lève la main, on attend son tour de parole, et on ne sort pas du sujet du cours...

Et idem pour les tenues vestimentaires : ne peut être interdit que ce qui s’oppose à un exercice scolaire : par exemple un foulard tombant,mais aussi bien des cheveux longs détachés, lorsqu’on manie des produits inflammables en physique-chimie ! Il y a donc une révolution quand, pour la première fois dans son histoire, l’Etat français décide d’imposer la neutralité non plus aux agents du service public mais à ses bénéficiaires !

Et cette révolution est conservatrice, parce que c’est un verrouillage de l’expression des élèves, qui est brutal, stérile, et même contraire à toute pédagogie. Tout le monde sait bien que c’est en parlant, en s’exprimant, en énonçant ses opinions, en les confrontant à celles des autres élèves et à la réponse de l’enseignant, qu’un élève peut se former, évoluer, se construire peu à peu sa propre pensée.

Un préjugé, pour être dépassé, doit être contredit, et pour être contredit, il faut bien qu’il ait commencé par être dit ! Kant le soulignait : la liberté de pensée a besoin de la liberté d’expression ; il faut pouvoir exprimer tout, même des âneries, il faut qu’il y ait publicité de l’activité de pensée, il faut que les pensées circulent, s’échangent, s’entraident, se confrontent ou se complètent, par la médiation de la parole.

L’autre problème de cette loi, c’est qu’en posant un interdit pour l’élève, on entérine (qu’on le veuille ou non) une logique d’exclusion : on accepte l’idée que les élèves qui ne se plieront pas au nouvel interdit vestimentaire seront exclues de l’école. En cela aussi c’est une révolution conservatrice : l’école républicaine, laïque, publique, gratuite et obligatoire, cette école qui n’a de sens que si c’est une école pour tous, ouvre désormais la possibilité d’exclure des élèves au seul motif qu’ils ne se plieraient pas à un interdit, lequel interdit n’a pourtant aucune nécessité pédagogique.

Mais en quoi cette « révolution conservatrice » et ces exclusions sont-elles discriminatoires ? La loi ne cible explicitement aucun groupe particulier.

Certes, mais elles les vise implicitement, dans la mesure où tous les discours périphériques qui ont provoqué le débat, généré la loi et accompagné sa mise en application, ont, eux, ciblé systématiquement « l’Islam », « le voile » et les filles voilées. Qu’on prenne la pétition de l’UFAL (Union des familles laïques) ou celle du magazine Elle, ou encore le discours de Jacques Chirac lorsqu’il demande au Parlement de légiférer, ou encore les débats parlementaires, tous ces discours sont construits sur la même schizophrénie : en titre, en préambule et en conclusion, on prend bien la peine, pour ne pas prêter le flanc à l’accusation de discrimination, de formuler une demande générale d’interdiction de « tous les signes ostensibles à l’école » ; mais tout le reste du temps, que ce soit dans les pétitions, le discours de Chirac ou les débats parlementaires, tout l’argumentaire ne parle que du voile !

Et dans l’application de la loi ensuite, on n’a ciblé que le voile : la meilleure preuve, c’est que dans presque tous les établissements où les couvre-chefs n’étaient pas interdit, on s’est empressé de rajouter une interdiction des couvre-chefs dans les règlements scolaires en plus de la loi, pour être sûr que les filles voilées ne puisent pas garder un bandana, qui n’entrait pas dans la définition légale du « signe religieux ostensible ».

Il y a aussi parmi ceux qui « assument » le fait que le foulard ait été ciblé, un autre argument qui est mis en avant pour réfuter l’accusation de discrimination : celui de l’intégrisme. Pourrait-on justifier qu’une situation exceptionnelle (celle d’un danger que pourrait courir l’institution) pourrait justifier une restriction des libertés ? En somme, il s’agit d’arguer du fait que le foulard « islamique » serait l’expression d’un engagement politique, le signe révélateur d’un intégrisme qui prendrait des proportions si inquiétantes qu’il ne saurait être toléré plus longtemps et justifierait une loi d’exception. Comment contrez-vous l’argument de l’intégrisme ?

L’argument de l’intégrisme, je le réfute de mille et une manières. Je ne peux pas tout développer, mais d’abord, je dirais que la réalité du port du foulard chez les collégiennes ou lycéennes touchées par cette loi ne se réduit pas à ce que l’on en dit. Ces élèves voilées, dans leur écrasante majorité, ne sont pas des fanatiques, elles n’ont pas l’intention d’instaurer la charia en France ni de forcer toutes les filles à porter le foulard.

Ce n’est pas vrai. Donc quelle que soit la gravité et l’étendue de la « menace intégriste » (et entre parenthèses, tous les travaux de recherche sociologiques montrent que les médias et les politiques grossissent démesurément la menace), de toutes façons ce n’est pas à elles de « porter le chapeau » de la « lutte contre l’intégrisme ».

Quand bien même il existerait, dans une situation précise, dans une école précise, un quartier précis, une menace, une pression exercée par la famille ou par un groupe qu’on pourrait qualifier d’intégriste, poussant des filles à porter le voile, la dernière chose à faire dans ce cas de figure, c’est de s’en prendre à ces filles, qui sont les victimes ! C’est une grave démission : on chasse ces filles du seul lieu où elle pouvaient être soustraites à cette tutelle et où au contraire, elles pouvaient côtoyer un public large, musulmans, des non-musulmans, des voilées, des non-voilées, et où elle pouvait suivre un enseignement laïque.

A combien évaluez-vous le nombre d’exclusions ou de déscolarisations ? A cet égard, le silence médiatique contraste avec l’ampleur de la campagne menée avant et pendant les travaux de la Commission Stasi.

Avec le collectif Une école pour tous, on avait essayé de faire un bilan, c’est difficile à faire. Ce qui est en soi est inquiétant et révélateur, c’est que les autorités officielles n’ont pas de chiffres, ne se sont pas posé la question, ne sont pas souciées du nombre et du devenir des élèves exclues de l’école à cause de cette loi.

On n’a pu avoir une idée que sur la première rentrée scolaire après l’application de la loi : officiellement, le ministère reconnaissait 48 exclusions par conseils de discipline et 60 démissions avant conseil de discipline, ce qui fait donc 110 déscolarisations officielles. Et déjà, sur ces 110 là, il n’y a eu aucun suivi : on nous promettait une évaluation de la loi et elle a bien eu lieu mais c’est un opuscule indigent d’Hanifa Cherifi, qui se contente de dire que tout va bien puisqu’il n’y a plus de foulards dans les écoles, puis que tout ne va pas si bien car les filles le remettent à la sortie de l’école !

Mais pas un mot sur les exclues et ce qu’elles sont devenues ! Et puis il y a le « chiffre noir », c’est-à-dire les « déscolarisations invisibles » : toutes ces filles qui étaient persuadées – et la suite leur a donné raison – qu’il n’y avait rien à faire, que même un bandana, un béret ou un bandeau, ne serait pas accepté, et qui ont avaient donc renoncé à s’inscrire et à faire leur rentrée. Elles ont donc quitté le système scolaire sans être comptabilisées.

On a pu évaluer ce chiffre noir à au moins, 200, mais probablement bien plus. Pour trouver ce chiffre, on est entré en contact avec diverses structures associatives – à Strasbourg, en Ile de France, à Saint Etienne – qui donnaient un soutien scolaire aux élèves voilées déscolarisées ; et dans toutes ces structures, on est toujours tombé sur un ratio de « deux tiers /un tiers » : parmi les filles qui fréquentaient ces structures, il y avait toujours grosso modo un tiers qui avait fait la rentrée 2004 et avait soit démissionné soit subi un conseil de discipline, et deux tiers qui n’avaient tout simplement pas fait la rentrée.

Nous avons donc pu estimer que pour 110 exclusions ou déscolarisations enregistrées, il y en avait au moins deux cent qui étaient demeurées invisibles. Pour les années suivantes, on ne sait plus rien. Parce que là encore, au niveau officiel, on n’a plus rien, personne ne s’en soucie.

A votre connaissance, les personnalités ou mouvements féministes qui se sont aussi fortement exprimés pour l’exclusion de ces jeunes filles -au motif qu’elles étaient des aliénées « volontaires »- ont-elles manifesté d’une quelconque façon leur volonté de les soutenir ?

Non, absolument pas. C’est une des choses que je souligne aussi : La dimension phobique que révèle cette absence totale d’empathie pour ces filles. On a disserté sur le foulard, le voile, l’Afghanistan, des tas de sujets, mais jamais on ne s’est soucié du fait qu’il s’agissait d’adolescentes issues des classes populaires, pour qui l’école est quelque chose de crucial. Pour une fille particulièrement, avoir des diplômes, c’est essentiel pour son émancipation – et cela toutes les féministes sont bien placées pour le savoir, puisqu’elles se sont battues dans ce sens ! Donc il y a quelque chose de paradoxal à voir des féministes, et plus largement la population en général, demeurer aussi indifférente face à ces exclusions.

Alors que dans notre société, l’avenir de nos enfants est ce qui nous prend le plus aux tripes, ce qui nous préoccupe le plus ! Alors pourquoi autant d’indifférence, pourquoi si peu de compassion pour ces filles exclues ? Ma réponse, c’est qu’on a oublié qu’on avait affaire à des êtres humains, et qu’on n’a tout simplement pas pensé à les inclure dans le groupe de « nos enfants », les enfants de ce pays. On ne les a même pas incluses dans le groupe des humains ; on les a réduites à leur voile, et dans ce voile on n’a voulu voir qu’un symbole étrange, étranger et menaçant.

Propos recueillis par Fatiha Kaoues

source: http://www.oumma.com/Un-racisme-metaphorique
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Al Chakiri




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MessageSujet: seconde partie de l'interview   La république du mépris de Pierre Tévanian Icon_minitimeDim 11 Nov - 14:35

Entretien avec Pierre Tevanian, enseignant, auteur de « La République du mépris » éditions La Découverte, 2007.

Deuxième partie : les métaphores féministe, mémorielle et libertaire

Après la « métaphore laïque », vous parlez justement de la « métaphore féministe » et vous soulignez particulièrement le rôle des Ni Putes ni Soumises…

Le féminisme a été mobilisé sur deux thèmes : l’interdiction du voile, mais aussi la question des violences sexistes subies par les femmes « en banlieue ». Bien entendu, le sexisme existe chez les musulmans, dans l’immigration et dans les banlieues populaires, il est massif, systémique, et il est vrai aussi qu’il est dénié, ou en tout cas minimisé ; tout cela est vrai, mais le problème est que le sexisme est tout aussi massif, systémique et dénié dans le reste de la société française, et qu’on ne le dit pas !

La classe politique, Sarkozy en tête, ne cesse d’opposer une immigration sexiste à « nos valeurs » antisexistes, on nous assène en permanence des formules du genre : « les acquis du combat féministe s’arrête aux portes des quartiers », alors que le sexisme règne autant chez les non-musulmans, chez les Français dits « de souche », dans les centre-villes comme dans les campagnes, et dans la petite comme dans la grande bourgeoisie. Et c’est vrai de la domination masculine la plus « banale », c’est à dire quotidienne (comme la monopolisation du pouvoir et du discours politique par les hommes) aussi bien que pour les formes les plus extrêmes de violence sexiste (comme les coups et blessures, les homicides et les viols).

Je cite de nombreuses enquêtes qui l’attestent, notamment celle de l’ENVFF (l’enquête nationale sur les violences faites aux femmes), dont les conclusions ont été rendues – à quelques mois près – au moment où le mouvement Ni Putes ni Soumises était lancé. Or, non seulement les résultats de ces enquêtes ont été sous-médiatisés, mais c’est même un discours inverse qui a été promu par les médias, avec l’accord tacite des NPNS.

On nous a présenté l’égalité hommes-femmes comme une valeur immémoriale et comme une réalité profondément, anciennement et définitivement acquise dans la société française, si bien que le sexisme est apparu comme un vice importé par l’immigration, notamment musulmane, avec ses deux figures-repoussoirs : le père et ses traditions archaïques, et le frère, « hétérosexuel violent » (pour reprendre la formule de Nacira Guénif) et souvent « islamiste ».

Et le pire est que cette vision médiatique a reçu la caution de prétendues « militantes de terrain », érigées en porte-parle des filles de banlieue : les Ni putes ni soumises. On ne parle donc que du sexisme de banlieue, immigré et musulman, en occultant le sexisme blanc, bourgeois et « catho-laïque », et on n’explique ce sexisme de banlieue que par l’origine ethnique, la culture ou la religion, en écartant tout lien avec le sexisme systémique de la société française dans son ensemble. On est donc dans une parfaite logique du bouc émissaire : on fait porter tout le fardeau du sexisme sur une seule « communauté ».

On diabolise ainsi une catégorie de personnes : toute personne qui a le « mauvais » faciès ou le « mauvais » patronyme, toute personne qui est présumée musulmane, et plus encore toute personne identifiée comme musulmane pratiquante, se retrouve à priori suspectée de sexisme exacerbé.

Mais quel intérêt peut-on trouver à verser de la sorte dans la stigmatisation ?

Il y a d’abord un bénéfice narcissique. C’est la fonction première du bouc émissaire : souder et innocenter la collectivité majoritaire. En l’occurrence, la stigmatisation raciste du « garçon arabe sexiste » permet à la France blanche de se vivre comme antisexiste et égalitaire.

C’est d’ailleurs pour cela que des militantes féministes comme Christine Delphy se sont mobilisées contre la loi anti-voile et contre la propagande de Ni putes ni soumises : non seulement par refus de l’exclusion et du racisme anti-arabe ou anti-musulman, mais aussi en tant que féministe, contre un discours idyllique et démobilisateur qui revenait à dire que le sexisme, c’était terminé, que la majorité des Françaises ne subissaient plus d’oppression, bref : que tout allait pour le mieux dans la meilleure des républiques égalitaires, hormis dans quelques enclaves (les banlieues), chez quelques arriérés (les immigrés) ou quelques fanatiques (les « islamistes »).

Est-ce cela qui explique que, dans l’exemple de Ghofrane ou de Sohane, des crimes similaires en gravité et en barbarie aient été beaucoup moins médiatisés ?

C’est effectivement, la meilleure illustration de cela. Il n’est évidemment pas raciste en soi de consacrer sa une et dix pages à Sohane, Ghofrane ou Shéhérazade, brûlée, mutilées et/ou tuées par des hommes parce que trop indépendantes ou refusant leurs avances. Il est même légitime, et nécessaire, de médiatiser ces crimes pour les dénoncer et les combattre.

Ce qui est raciste, de manière objective, même si les journalistes impliqués n’en ont pas conscience, c’est le fait que ce type de couvertures et de dossiers ne se font que quatre fois par an, à chaque fois sur des cas où la victime ou le coupable (ou les deux) sont issus de l’immigration maghrébine ou de confession musulmane, alors que six femmes meurent chaque mois sous les coups d’un proche, et cela dans tous les milieux sociaux, quelles que soient les origines ou les croyances religieuses.

Ce n’est donc pas de parler de Shéhérazade, de Ghofrane ou de Sohane qui est raciste, évidemment pas, mais le fait de n’être ou de ne jouer les anti-sexistes que lorsque cela permet de taper sur un homme de culture musulmane, et même sur « l’homme musulman » en général. Parce qu’au-delà de l’incrimination de l’individu qui a porté les coups mortels, on généralise ! C’est toute la « communauté » maghrébine, ou toute l’immigration, ou encore « l’Islam ».
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Al Chakiri




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MessageSujet: Re: La république du mépris de Pierre Tévanian   La république du mépris de Pierre Tévanian Icon_minitimeDim 11 Nov - 14:37

Votre troisième chapitre est consacré aux débats âpres qui concernent la question de la mémoire. Il semble qu’un double discours agisse en parallèle : d’un coté, s’agissant d’une histoire spécifique, il est question de devoir de mémoire, mais pour d’autres groupes, on parle beaucoup de culpabilité, de repentance. On reproche à certaines catégories de la population d’exprimer dans leurs revendications une aigreur manifeste qui confinerait à la haine, pourquoi ce traitement différencié ?

Oui, là encore on est dans le « deux poids, deux mesures ». Ce deux poids deux mesures est un peu le fil rouge du livre : on le retrouve à l’ouvrage dans tous les débats, aussi bien sur la mémoire que sur la laïcité ou le féminisme. Des gens qui ne se sont jamais souciés de la laïcité deviennent tout à coup des hyper-laïcs quand il s’agit de « taper » sur les filles voilées, des gens qui ne se sont jamais souciés du sort des femmes deviennent tout à coup des hyper-féministes lorsqu’il s’agit uniquement de diaboliser « le garçon arabe », et de la même manière, des gens qui n’ont jamais eu d’aversion particulière pour la commémoration se scandalisent tout à coup lorsque c’est une mémoire particulière qui émerge : celle des descendants d’esclaves et de colonisés.

Dans mon livre, je renvoie aux analyses de Nietzsche sur les excès de la mémoire. Car Nietzsche est l’un de ceux qui a le mieux évoqué les problèmes bien réels que peut provoquer une mémoire mal maîtrisée. Seulement, si on le lit, on se rend compte que ses analyses n’ont rien à voir avec l’usage raciste qui en est fait aujourd’hui par les adversaires de la « repentance coloniale », tous les Bruckner, Max Gallo, Lefeuvre et Sarkozy qui passent leur temps à nous dire qu’il faut « tourner la page » de la colonisation, savoir « oublier les mauvais souvenirs » et regarder vers l’avenir… Que dit Nietzsche ? Il dit qu’effectivement, il y a des dangers dans certaines manières de se référer au passé, et notamment de glorifier le passé.

Mais il dit aussi que l’histoire est utile dans une certaine mesure, notamment pour se dépayser, pour prendre du recul par rapport aux préjugés de notre époque, en visitant d’autres époques avec d’autres préjugés… C’est ce qu’il appelle devenir « intempestif ». Il dit aussi que l’histoire peut être utile car elle nous encourage à vivre le présent et à innover, en nous enseignant que les hommes ont toujours innové, ou plus exactement que ce sont toujours des innovateurs, des « intempestifs », qui ont marqué, fait avancer l’histoire. Bref, Nietzsche valorise un certain usage de l’histoire, un certain rapport au passé, et dans le même temps il s’insurge contre ce qu’il appelle les excès de la mémoire, les excès de révérence par exemple – l’idée qu’il y aurait une grandeur inégalable qu’il faudrait éternellement imiter.

Nietzsche explique aussi que l’homme noble est celui qui est capable d’oublier les offenses subies et qui ne s’enferme pas dans le ressentiment. Mais la première différence, de taille, entre Nietzsche et Bruckner, Max Gallo ou Nicolas Sarkozy, c’est que l’usage de la mémoire et de l’histoire que Nietzsche combat est celui des dominants, et non celui des dominés ! Nietzsche s’en prend aux hellénistes allemands qui idéalisent le passé gréco-latin de l’Europe, et il s’insurge contre les mythologies nationales, les nationalismes.

Alors que nos pseudo-nietzschéens d’aujourd’hui s’en prennent aux dominés : la mémoire des esclaves et des colonisés émerge à peine, et déjà ils deviennent fous, eux qui n’éprouvent en revanche aucun problème à se gaver et se gargariser de Clovis, de Jeanne d’Arc, de Robespierre, de Jules Ferry ou de Gaulle, de toute la mythologie nationale. Eux qui sont de véritables drogués de la mémoire nationale, ils se découvrent tout à coup d’impitoyables et nietzschéens pourfendeurs de mémoire !

Mais ne peut-on pas objecter que cette histoire, celle de l’esclavage et de la colonisation, n’est pas occultée, qu’elle fait déjà l’objet de débats ? Ne peut-on pas penser que les groupes minoritaires qui revendiquent une plus grande place dans l’historiographie officielle de l’histoire de la colonisation par exemple, en font trop ? Même s’ils ne font pas partie des « dominants », ne prêtent-il pas le flanc dans une certaine mesure aux critiques nietzschéennes ?

C’est l’évaluation de ce « trop » qui pose problème, alors qu’on commence à peine à parler de ce passé. Il est vrai qu’on n’est plus dans le silence total et la dénégation absolue : le mur de silence se fissure, on commence à parler de l’esclavage, des crimes coloniaux, du caractère structurellement oppressif du système colonial, et ici ou là des lieux de mémoire apparaissent : une statue de Toussaint Louverture sur une place parisienne ou dans une ville de banlieue, une plaque sur le Pont Neuf pour le crime du 17 octobre 1961... Mais si l’on observe objectivement l’espace public, la quantité de lieux de mémoires, de plaques, de monuments, d’institutions qui ont des programmes de recherches sur ces sujets, de journées célébrées, la place dans les manuels d’histoire, cela reste peu.

Il y en a plus qu’auparavant, ce qui n’est pas dur puisque auparavant il n’y avait rien, mais on est très loin de ce que mériteraient des événements aussi considérables, des crimes aussi monstrueux, des processus historiques aux conséquences aussi profondes. Bref : à peine on commence à sortir du silence et de l’invisibilité, à peine on commencer à lever le refoulement, c’est déjà tout de suite trop ! À entendre les discours « anti-repentance », on serait submergés, envahis ! Il y a donc une première outrance : le fait que l’ombre d’un début d’esquisse de commencement est perçu comme un « trop plein » !

Il y a une autre outrance sur la nature même des revendications. C’est-à-dire qu’une demande de reconnaissance et de vérité est déformée, caricaturée en demande de repentance. Contrairement à ce que prétendent les discours « anti-repentance », personne, ni le CRAN, ni « Devoirs de mémoire », ni les « Indigènes de la république », ne demande d’excuses.

Personne ne dit que tout « Blanc » est un oppresseur, un criminel, un coupable, ni que le Français d’aujourd’hui qui n’était pas né au moment de la colonisation est coupable de ce qu’a fait son Etat, ses parents ou ses arrières grand-parents. Bref : pour ne pas avoir à répondre aux demande de vérité, de reconnaissance et de justice, on s’abstient de les entend, en s’inventant des ennemis fictifs, porteurs e revendications inexistantes.
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Al Chakiri




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MessageSujet: Re: La république du mépris de Pierre Tévanian   La république du mépris de Pierre Tévanian Icon_minitimeDim 11 Nov - 14:37

Que pensez vous de la formulation « concurrence mémorielle » ? Cette concurrence n’est-elle pas précisément le fait de ceux qui dénient à certains ce qu’ils accordent à d’autres ?

Effectivement, toute personne qui porte des revendications concernant le passé esclavagiste ou colonial se voit accusée d’attiser la concurrence mémorielle ou la concurrence des victimes. Je montre, dans le livre, que non seulement l’accusation ne tient pas une seconde, mais aussi que c’est justement ce type de mauvaise foi qui génère, elle, une véritable concurrence des victimes. Je donne dans le livre un exemple précis. L’Appel des Indigènes de la république, rendu public en 2005, contient une analyse politique et des revendications précises concernant la reconnaissance du passé, sans jamais opposer une quelconque communauté ethnique à une autre ; or, en réponse à ce texte, Fadela Amara a écrit une tribune dans Libération.

Se présentant comme descendante d’Algériens ayant subi la colonisation, elle rétorque aux Indigènes qu’il n’est pas question de réclamer des « excuses » à la France (ce que lesdits Indigènes ne réclamaient pas !) et elle enchaîne directement en expliquant que la colonisation n’a rien à voir avec l’extermination des Juifs parce qu’elle ne reposait pas sur un projet d’extermination. Ce qui est sidérant, dans ce propos, c’est d’abord qu’au lieu de répondre aux thèses et arguments effectivement développés par les Indigènes de la République, Fadela Amara leur en prête d’autres qu’ils n’ont jamais soutenus. Les Indigènes de la République ne prétendent nulle part que la colonisation est assimilable à la Shoah. Ils ne se placent nulle part en comparaison ou en concurrence avec les descendants de victimes du génocide.

Il y a donc procès d’intention, malhonnêteté intellectuelle, volonté manifeste de ne pas entendre, de disqualifier un discours. Mais il y a pire encore : c’est justement la réponse de Fadela Amara qui introduit une logique de comparaison et de concurrence, jusque là absente, puisque son discours consiste à dire en substance : « ces gens là, qui posent un certain nombre de questions sur la mémoire des colonisés et des esclaves, et sur le présent de leur descendants, ne doivent pas être entendus, et ils ne doivent pas être entendus parce que la Shoah c’est autre chose, c’est différent, ce n’est pas comparable ».

Le dernier chapitre porte sur la question de la liberté d’expression et le débat sur Redeker qui à votre avis est aussi révélateur d’une certaine islamophobie.

Le fait de défendre le droit inaliénable de Redeker ou de tout autre individu à dire tout ce qu’il veut sur l’islam, Mahomet ou les musulmans, n’est évidemment pas raciste. C’est une position libertaire, et elle est tout à fait respectable. Etre libertaire, c’est considérer qu’ on ne doit en aucun cas porter atteinte à la liberté d’expression, ni par la violence brute ni par la violence étatique, formalisée (c’est-à-dire l’interdiction, la censure). Etre libertaire, c’est considérer que les différends se règlent justement dans le libre échange et la libre confrontation des points de vue.

Donc effectivement, on peut très bien défendre le droit de Redeker à dire tout, même les pires insanités sur les musulmans, sans être pour autant raciste soi même. Ce n’est pas être raciste non plus que de se scandaliser des menaces de mort reçues par Redeker. On peut même considérer qu’il ne devrait pas y avoir de loi contre le racisme et qu’un individu peut proférer des propos racistes contre les Arabes ou les musulmans ou contre n’importe quel autre groupe, et qu’on n’a pas à le censurer, ni à le traduire devant les tribunaux pour cette raison.

C’est une position qui se discute mais qui est respectable. Là ou le racisme pointe son nez, c’est lorsqu’il y a deux poids deux mesures. Tout d’abord j’analyse le texte antimusulman de Robert Redeker et je montre en quoi il est raciste. Il ne vise pas « l’Islamisme » comme courant politique ni même « l’Islam » comme doctrine religieuse, mais bien « l’Islam » en tant que culture qui structure (je le cite) « tout musulman ». C’est donc une accusation portée contre tous les musulmans, qui sont présentés comme des gens mal-humanisés, éduqués « dans la haine et la violence ». Partant de là, on peut soutenir le droit illimité d’un raciste à proférer des propos racistes, sans pour autant être soi-même raciste.

Mais alors il faut dire comme Voltaire : « je désapprouve ce que vous dîtes mais je me battrais pour que vous ayez le droit de le dire » ; or, ce je montre dans le livre, c’est le soutien à Redeker a été formulé médiatiquement dans de tout autres termes : la plupart des soutiens médiatiques de Redeker se sont abstenus, et se sont même explicitement refusés à dire qu’ils désapprouvaient les propos de Redeker ; et ils ont toujours dit qu’il fallait le soutenir « sans réserve ». C’est là qu’apparaît le racisme.

Le deuxième point, c’est le deux poids-deux mesures. En effet, on a assisté à une mobilisation folle sur les plans politique, intellectuel, médiatique, alors qu’on n’a pas la même mobilisation des mêmes personnes et dans les mêmes proportions pour une multitude d’autres affaires de liberté d’expression. Je cite des exemples : un rappeur qui est poursuivi depuis 5 ans par Nicolas Sarkozy parce qu’il a eu le malheur de dire que s’il y avait un problème d’impunité dans certaines affaires d’homicides policiers.

Ou encore une loi qui sanctionne de prison et d’une très lourde amende l’outrage à l’hymne national, une loi qui interdit de porter des vêtements exprimant ses convictions religieuses à l’école… Bref : des atteintes récentes à la liberté d’expression, qui ont ceci de beaucoup plusgrave qu’un mail de menaces qu’elles ne sont pas l’œuvre d’un ou de quelques enragés, mais sont au contraires institutionnalisées, étatisées.

Je cite également Nicolas Sarkozy qui fait renvoyer le PDG de Paris-Match parce qu’il a parlé de sa vie privée, le même Sarkozy qui choisit quel journaliste parlera de l’UMP à Europe 1… Bref : il y a chaque mois une multitude d’occasions de se mobiliser pour la liberté d’expression, dont ne se sont jamais saisis les intellectuels qui se sont levés comme un seul homme pour défendre Robert Redeker. Et des occasions aussi auxquelles les médias n’ont jamais, loin s’en faut, accordé la place qu’ils ont accordée à l’affaire Redeker. Bref, je retrouve le « deux poids deux mesures ». Dans ce chapitre sur la métaphore libertaire, je parle plus particulièrement d’une affaire parce qu’elle présente de profondes similitudes avec l’affaire Redeker.

Dans cette affaire, l’atteinte à la liberté d’expression ne vient pas d’un Etat, ni d’un homme politique influent, mais d’un individu qui, par ses propres moyens –un courrier – a adressé des menaces de mort à des individus qui ont eu le malheur de prendre des positions qui lui déplaisaient. Il s’agit donc du même cas de figure que dans « l’affaire Redeker ». Seule différence : dans cette affaire, ce n’est pas un seul individu qui a reçu des menaces de mort, mais douze personnalités parmi lesquelles Alain Lipietz, José Bové ou Eyal Sivan pour les plus célèbres. Toutes ces personnes avaient des positions radicales, hostiles, critiques, sur la politique d’Israël. Eh bien, dans un cas, on ne trouve que quelques dépêches en deux ans (période incluant l’envoi des menaces, l’interpellation du coupable et son procès), et cela pour douze personnalités viées !

Dans le cas de Robert Redeker, en revanche, sur une période de trois semaines seulement, on décompte déjà une soixantaines de dépêches... Je n’entre pas dans le détail de l’analyse des deux affaires, de leurs points communs et de leurs différences (je le fais dans le livre), mais voici la conclusion : comme se fait-il que des gens qui n’avaient jamais levé le petit doigt pour s’insurger par exemple lorsque Eyal Sivan ou José Bové avaient reçu ces menaces de mort, tout d’un coup se lèvent et s’insurgent quand les menaces de morts sont homologuées musulmanes ?

Et je dis bien homologuées musulmanes parce que c’est tout de suite « l’Islam », dans a généralité, qui s’est retrouvé incriminé. Dans le premier cas, personne n’a eu l’idée de dire « Il y a un problème du judaïsme avec la liberté d’expression », et c’est normal ! Un individu réagissant en tant que juif, s’autoproclamant représentant et justicier de tous les Juifs, menace des gens de mort : de manière tout à fait saine, on ne s’en prend qu’à lui, on considère que la faute est celle de cet individu-là et de personne d’autre, bref : on ne le suit pas dans son délire, on ne le prend pas comme le représentant des Juifs en général.

Or, bizarrement, ce bon sens disparaît dans le cas de l’affaire Redeker : un individu s’identifiant comme musulman et se vivant sans doute comme le représentant et justicier de tous les musulmans, envoie des menaces de mort par mail, et dans son cas, tintamarre médiatique sur « le problème de l’islam et des musulmans avec la liberté d’expression ». On somme « les musulmans » d’apprendre à accepter la critique… Bref : le deux poids deux mesures, l’inégalité de traitement, le passage au pluriel, la logique d’amalgame : on est dans une pensée raciste.

Autre point que je soulève : la liste des pétitionnaires « pro- Redeker » coïncide presque à l’identique avec la liste des plus fervents militants de l’interdiction du voile. Alors je pose cette question : comment peut-on être libertaire face à l’islamophobie et prohibitionniste face au voile ? Soit on tolère l’islamophobie de Redeker au nom de la liberté d’expression, mais le voile doit être accepté lui aussi, au nom du même principe ; soit on estime nécessaire la prohibition du voile mais alors le moins qu’on puisse faire est d’être tout aussi prohibitioniste face aux propos racistes. Bref : j’en viens à la conclusion que ce n’est peut-être pas l’amour de la liberté d’expression qui permet de trouver la cohérence entre ces deux positions, mais tout simplement la haine des musulmans.

Propos recueillis par Fatiha Kaoues source: http://www.oumma.com/La-Republique-du-mepris

Bonne lecture ma'asalama
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